« The World of Polo », représente différentes peintures sur le polo imbriquées les unes dans les autres. Afin d’aider le visiteur à en comprendre le sens, la galerie Billich (du nom de l’artiste), à Sydney, l’invite à “entrer dans le tableau…” en lui promettant de “lui présenter le polo depuis ses origines en Chine il y a 2000 ans jusqu’aux grands évènements mondains et sportif d’aujourd’hui”. En 2009, quand Charles Billich fini ce tableau (huile sur toile, 1000mmx900mm, prix de vente 45 000$) il l’apporta dans divers tournois polo aussi loin que Guards (Angleterre), St Tropez (France), St Moritz (Suisse) and Windsor (Australie).
Comme n’importe quelle personne ayant déjà peint ou sculpté un cheval peut vous le dire, réussir à rendre justement leurs proportions est particulièrement difficile, d’autant plus pour des peintures d’hommes et de chevaux en plein galop, un challenge dont Billish se délecte.
“Il n’y a pas deux chevaux identiques” explique t-il. “Chaque cheval est un individu avec une physionomie, une démarche et une personnalité. Le mouvement d’un cheval est composé d’une infinité de variations successives, avec beaucoup de positions intermédiaires des membres, de l’angle du cou, beaucoup d’expressions dans le regard (…) et de palpitation de veines.
“La dynamique d’un organisme aussi complexe anatomiquement que le cheval, c’est cela l’ultime défi de votre carrière de peintre… Il est stimulant de peindre en se basant sur l’inépuisable source d’imagination ou d’images qu’est le monde des courses, du polo ou d’autres sports équestres… Je me sens tellement utile quand je peux peindre quelque chose que l’appareil photo n’a pas été capable de fixer et quand je sens que j’ai satisfait le public, particulièrement les personnes qui aiment les chevaux, qu’ils soient directement impliqués dans le jeu ou parieurs occasionnels.
Le travail de Billich ne se limite pas aux thèmes équestres. Il a contribué à chaque jeux olympiques depuis ceux d’Atlanta (1996), parfois même en temps qu’artiste officiel, comme aux jeux olympiques de Pékin en 2008. Inspiré par les 6000 soldats et chevaux de terre cuite enterrés il y a 2000 ans auprès de la tombe du premier empereur chinois, seize de ses peintures des guerriers ont été reproduites sur des timbres postaux chinois(…)
Il ne peut cependant pas être réduit au rang d’artiste de sport. Au cours de sa carrière de presque 40 ans, ce peintre croate-australien de 77 ans a peint (et sculpté dans des métaux précieux et semi-précieux) des œuvres évoquant la plus part des drames de l’Homme. Mais il a aussi pris pour sujet la dance, l’érotisme, l’homme et femme, les mythes, la religion, les temps anciens, les paysages urbains, des portraits (notamment le premier portrait officiel du pape Benoit XVI) et des moments épiques de l’histoire (comme Humanity United commandé par la croix rouge internationale) (…)
Rejetant l’abstraction et le réalisme social, le travail de Billich peut parfois sembler fantasque ou subversif. “Je manipule la réalité” dit-il en haussant les épaules “Je la transforme en une espèce d’analyse symbolique qui s’appuie sur différents niveaux de sens. Il y a un soupçon d’ironie dans ce que je peint comme il y en a dans l’ensemble de l’art contemporain surréaliste…”
(…) Pour certains détails ci dessous, et pour les déclarations de l’artiste, je suis infiniment reconnaissant à l’auteur et critique littéraire français pour son portrait de Billich (2010). Né en 1934 à Lovran dans cette Istrie alors italienne mais aujourd’hui croate, il est le seul garçon d’une famille cosmopolite parlant italien, allemand, croate et vénitien. Il alla à l’école à Rijeka jusqu’à l’âge de 15 ans, âge auquel entra dans la compagnie de performances artistiques locale comme danseur et commença à écrire en freelance des articles prenant pour cible le régime Communiste. Il fut arrêté, déclaré coupable et condamné à 10 ans de prison. “Mon emprisonnement m’a confronté au froid, à la colère, à la répression et au manque total de liberté” dit-il à Vernay.
Deux ans après son emprisonnement, la croix rouge internationale négocia la libération des dissidents politiques, y compris Billich. “Comment peut-on apprécier la liberté sans n’avoir jamais goûté à l’esclavage?”Demande t-il.”Je remercie le destin”. Il est aussi reconnaissant envers ses camarades de cellule, dissidents également mais plus vieux et plus matures, qui lui ont présenté de nouveaux livres, de nouvelles idées, langues et techniques de survie, parachevant son éducation du monde adulte.
C’est en réalisant les décors des pièces de théâtre de la prison que Billich a découvert sa vocation. Après sa libération, il s’inscrivit dans une école d’art à Salzburg, en Autriche, jusqu’à ce que les hivers trop longs et l’attrait du nouveau monde, épargné par la guerre, le convinrent de s’installer en Australie. Il arriva à Melbourne en 1956, peu avant que les Jeux Olympiques y soient organisés. Il travailla un temps comme interprète puis repris ses études d’art et de dessin, survivant grâce a divers emplois tels que gardien de morgue, chauffeur de taxi ou serveur.
Ne croyez pas que son succès auprès de la critique et du public (il est multimillionnaire) soit admiré unanimement. En 1995, le critique d’art et historien John Mc Donald défini les œuvres de Billich comme « une forme d’art graphique hasardeuse soutenue par une stratégie marketing des plus efficaces » et cette opinion semble être celle de toute la communauté artistique de Sydney (…) qui ne compte pas parmi les afficionados de l’art populaire dans lequel Billich excelle.
Quid de Billich en tant que personne ? Son autoportrait, Well…It’s a Very Long Story, montre un paon male faisant la roue, à l’image de Billich qui arbore des costumes extravagant lors de l’ouverture de ses expositions. Vernay le cite se décrivant comme “une personne gentille et sauvage, idéaliste et hédoniste” et le décrit lui même comme un personnage solitaire, refusant de se limiter en termes de thème ou de style. “Peindre est l’activité la plus sereine, tranquille et spirituelle de toutes” dit Billich “A condition que vous restiez à l’écart des vernissages, des galeries à la mode, des colonnes “art” des journaux, des compétitions artistiques, des scandales du monde de l’art, des contrefaçons, fraudes et autres conspirations.”
Sa femme Christa tient une place centrale dans son succès tant vis-à-vis de la critique que du public. Née à Munich, elle décida très jeune de tracer sa propre voie, ce qu’elle fit en Australie ou elle émigra. Lors de leur première rencontre Charles lui demanda s’il pouvait peindre son portrait (…). « Depuis lors, » écrivit Vernay « Christa, plus que toutes ses ex-femmes, devint sa muse et lui inspira la majeure partie de ses nus. »
En dehors de sa beauté (elle a les hautes pommettes, et les yeux clairs de sa compatriote Marlene Dietrich) elle fut aussi la seule de ses cinq femmes qui fut vraiment douée pour le commerce. Alternant portraits pour la haute société de Melbourne et expositions dans des galeries commerciales gourmandes en commissions, Billich était un artiste indigent, bataillant pour couvrir les pensions de ses enfants de mariages précédents.
Son mariage avec Christa conduisit à un véritable changement de régime, passant des portraits et galeries commerciales à des boutiques dédiées à ses travaux dans des hôtels de luxe. Puis s’ouvrit la première galerie Billich à The Rocks, la zone la plus touristique du port de Sydney. D’autres galeries Billich ont aujourd’hui vu le jour à Lovran (sa ville natale) et à Pékin.
Tandis que l’énergie frénétique de Billich se concentre sur la création artistique et les voyages, Christa est responsable du marketing, de la publicité et des négociations avec diverses galeries privées comme publiques (…) ou toute autre institution. Mc Donald, le critique d’hier, n’a peut-être pas épargné Billich avec sa « forme d’art graphique hasardeuse » mais il avait tout à fait raison en évoquant le soutient d’une « stratégie marketing des plus efficaces ».