Chris Ashton: « Le sommet de ma courte carrière de polo »

Publié le: décembre 15, 2014

Filled Under: Polo Tics par Chris Ashton

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A la fin de mon adolescence, je souhaitais de tout coeur entrer à l’Université d’Oxford, mais comme vous pouvez le deviner, je suis retourné chez moi, dans ma ferme de moutons. Pourquoi un enfant fermier australien voulait-il s’inscrire à Oxford? Disons simplement qu’avec les honneurs de mon école, l’idée de fréquenter l’un des anciens sièges d’apprentissage européens, l’université mère du monde anglo-saxon, et de me plonger au coeur des carillons des églises, des cours carrées cloîtrées, des flèches gothiques et des rues pavées m’attirait.

J’avais 24 ans et une soif avide de nouvelles expériences. Je me suis promis qu’Oxford élargirait mes horizons jusqu’à des plaisirs inconnus, à la fois sensoriels et cérébraux.

Jusqu’à ce jour, je sentais une affinité particulière pour les chevaux et la cavalerie. Je me rappelle avec émotions mon enfance, surtout le cadeau de mes 6 ans de la part de mon père: un poney de couleur crème aux crins noirs, appelé Echo. Du cloué sur place au grand galop, il répondait au moindre signal de rênes ou de talon. A cheval sur Echo, j’aidais à rassembler les montons et les bovins et de temps en temps, avec mon casse-croûte dans mon sac à dos, je montais avec lui au sommet de la forêt se trouvant à côté de notre ferme. Bien que je reconnaisse que les chevaux peuvent être dangereux voir mortels, je peux déclarer que mon affection pour eux est telle que je ne les crains pas.
C’est donc une fois arrivé à Oxford que je me suis inscrit une bonne fois pour toutes à l’Université Hunt. Cette université a offert une autre dimension à mes competences équestres.

Une après-midi par semaine au terme Saint Michel, nous aimions rassembler les mercenaires avec les agriculteurs locaux dans un pub du village, autour d’un vin chaud avec une demie douzaine de chiens, pas plus, aboyant bruyamment. Le maître-chiens faisait retentir le son de son cuivre pour nous guider; une trentaine de chasseurs, au pas, puis au trot dans les ruelles et les bois, et enfin au galop jusqu’à ce que nous ayons atteint les pâturages, où survenaient des haies séparant les champs agricoles. Dans une lettre adressée à mes parents, je racontais l’une de ces sorties, où nous étions trempés jusqu’aux os à cause d’une pluie battante et où nous fûmes accueillis par un propriétaire local… un énorme goûter dans sa ferme nous attendait – un feu de cheminée, du whisky, du bacon, des oeufs, des scones et du thé… Puis je suis retourné à Oxford en paix avec le monde.

Ce que je n’avais pas réalisé lorsque je me suis inscrit était que le second lieutenant Simon Tomlinson des Inniskilling Dragoon Guards, le maitre de l’université de “chasse”, était également le capitaine du Polo Club de l’Université d’Oxford (Oxford University Polo Club). La fin de l’été approchant, il insista pour m’initier au polo. C’était là un sport qui, de mon temps, ne ressemblait en rien au cricket, au rugby, à l’aviron, à l’athlétisme, au tennis ou à la boxe. Représenter l’université face à celle de Cambridge dans n’importe quel sport important vous élevait au rang d’Oxford Bleu et vous autorisait à porter une cravate d’Oxford bleue. Si c’était lors d’une rencontre pour un sport moins important, vous étiez autorisés, à juste titre, à porter une cravate demi-bleue.

De la moitié à la fin des années 60, l’OUPC n’a jamais connu plus de 15 membres, allant des jeunes officiers de l’armée aidant un ou une étudiant(e) connaissant déjà l’équitation, aux étudiants de cycle supérieur des pays du Commonwealth, du Canada, d’Afrique du Sud et du Pakistan, et dans mon cas, d’Australie. Au terme de l’été, le club garda une douzaine de chevaux de polo logés dans l’une des écuries en pierre située dans un village où les femmes de deux grooms les nourrissaient, leur donnaient à boire, les toilettaient et leur faisaient faire de l’exercice, à leurs propres frais.

L’OUPC était affilié au Polo Club de Kirlington (soutenu par des fermiers, des officiers de l’armée retraités et des campagnardes élevant et commercialisant de la viande de cheval et organisant des cours d’équitation), dans les terrains du parc de Kirlington, à dix miles au nord d’Oxford. Kirlington était l’héritage de Hugh Budgett, descendant d’une famille qui faisait carrière dans le commerce du sucre. En 1922, il acheta Kirlington Park, un domaine agricole valorisé par le manoir de Palladium et ses 50 hectares de jardin. Encouragé par un camarade joueur de polo, Budgett s’initia au sport; il l’apprécia beaucoup et fonda par la suite le polo club. Fermé pendant la Seconde Guerre Mondiale, le terrain labouré laissa place à une culture de mauvaises herbes, mais la paix fût réinstallée lorsqu’un nouveau terrain de polo y fût bâti.

Avec la permission du plus illustre collège d’Oxford, Christ Church, le OUPC pratique le polo sur Port Meadow depuis 1878, incluant ainsi les 10 ans de cavalerie des régiments anglais qui ramenèrent ce sport d’Inde. Lorsque dans les années 50 Christ Church révoqua cet arrangement, la famille Budgett invita le OUPC à rejoindre Kirlington en temps que filiale, une invitation facilement acceptée qui se perpétue encore aujourd’hui. Au cours de mes propres années à Oxford, Alan Budgett, le fils de Hugh, était à la fois le capitaine du club ainsi que le président, non seulement pour son nom, mais également parce qu’il en était simplement le meilleur joueur.

Le polo a dominé mes 3 mois d’été. Chaque après-midi de la semaine, nous allions à l’écurie où nous montions les chevaux des clubs sur des chemins de randonnées. Certains étaient assignés à des chukkas “amiables” et d’autres à des parties de “bâton-et-ballon”. Le temps le permettant, une équipe d’Oxford jouait un match le dimanche soit à Kirlington, soit sur le terrain d’un autre polo club. Et c’est tout à leur honneur que les joueurs de Kirlington nous accueillirent chez eux et nous enseignèrent les bases. Nos matchs de polo étaient des matchs “amicaux”, l’équivalent d’une rencontre de cricket dans un village.

Le fort moment de la saison fût le concours Oxford-Cambridge, en alternance annuelle entre Kirlington et le polo club de Cambridge. Pour le match de 1968, j’ai été choisi par l’équipe d’Oxford pendant que le plus jeune de l’équipe de Cambridge était un très bon joueur de 19 ans et n’était autre que le Prince de Galles. Kirlington accueilla donc le match le dimanche 9 Juin à 15 heures. Un concours qui normalement rassemblerait une poignée de spectateurs – les parents et les compagnes des joueurs – prenait une tournure de rencontre royale. Sa Majesté décida de remettre le trophée à l’équipe gagnante. Les spectateurs, normalement accueillis gratuitement, se voyaient cette fois-ci obligés de payer cinq livres chacun, et dont les profits étaient reversés à la Société en Aide aux Personnes Psychologiquement Perturbées. La ville, la robe universitaire et le comté d’Oxfordshire étaient en effervescence. Trois milles personnes regardèrent ce match, un record pour Kirlington. Pour honorer le Prince Charles, Alan Budgett invita les deux équipes, chaque cavalier avec sa compagne, à déjeuner chez lui.

>Qu’en était-il du match suivant? Le Oxford Times raconta qu’il fût joué sous un soleil éclatant, que la Reine portait une robe d’été orange et que le Prince Charles était le premier de la famille à jouer un match inter-universitaire depuis 1914, lorsque son grand oncle (le duc de Windsor) joua pour Oxford. Dans cet élan de vitesse, de grâce et de bravoure, avec ce spectacle des joueurs et des chevaux lancés au triple galop en parfaite harmonie, du tir de la balle blanche en bois traversant le terrain jusqu’à l’entrée des buts… Le polo était à son apogée, il n’était égalé nulle part même sur le terrain n°1 de Palermo, à Buenos Aires, et cela était une magnifique chose qui faisait bondir nos coeurs. Personne ne pensait un jour regarder un match de polo de débutants, comme celui d’Oxford-Cambridge, comparé à ceux de joueurs plus riches et plus professionnels. Et pourtant, cet après-midi là, la plupart des spectateurs regardaient leur premier match de polo et applaudissaient les deux équipes, du début à la fin.

Le Prince Charles et moi même marquions l’un et l’autre. Pour le plus grand plaisir des spectateurs, il marqua le premier but. J’ai marqué le deuxième. Après quatre périodes de 7 minutes, le score était toujours d’un but pour chaque équipe. Afin de résoudre rapidement le problème, on décida que l’équipe qui marquait le prochain but gagnait le match (dans le jargon du polo, cela s’appelle la mort subite). Pour faciliter cela, la largeur des poteaux des buts a été élargie doublée. Et c’est ainsi qu’en moins d’une minute, Oxford marqua le dernier but.

Charles Greville, reporter du London Daily Mail, demanda au capitaine d’Oxford Julian Eeley son opinion au sujet de l’avenir du Prince Charles dans le polo, question à laquelle Julian répondit: “Le Prince sera un jour un très bon joueur de polo mais il devra d’abord développer un stratégie plus agressive.” Greville, se confessant depuis le début comme un ignorant du polo, continua, “Alors que les autres joueurs s’étaient retirés au stand de bière, le Prince Charles s’éclipsa vers un sublime endroit pour voir ses trois chevaux et les récompenser pour leurs efforts avec des morceaux de sucre. Je ne peux pas m’empêcher de penser qu’un joueur plus agressif n’aurait jamais penser à faire cela.”

Ecrit par Chris Ashton, correspondant pour Polo Player’s Edition

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