Fondé par des officiers des Royal Horse Guards en 1919, le Buck’s Club, dans l’ouest londonien, bénéficie d’une place à part dans l’histoire grâce à son très apprécié cocktail au champagne et à l’orange : le Buck’s Fizz.
De même que pour le steeple-chase, le tir, le point-à-points, les paris sur les courses de lévriers, la boxe, l’euchre (jeu de cartes), le backgammon et le bridge, depuis sa création le Club prend part à un tournoi annuel de polo regroupant d’autres gentlemen’s clubs de Londres.
Ce dernier dure jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, après laquelle le tournoi doit attendre 1994 date à laquelle, il est relancé par un certain Nigel A Brassard, le capitaine actuel de l’équipe de polo du Buck’s Club. Parallèlement à son métier de banquier d’investissement il s’emploie également à écrire sur l’histoire du polo, à restaurer le divertissement dans le low-goal polo et, pour le high-goal polo, à œuvrer pour le retour au spectacle qu’il présentait avant l’avènement du patronage dans le polo.
Nigel A Brassard a découvert le polo peu avant la trentaine et joue avec un handicap de zéro au Cirencester Park Polo Club, dont il est un des directeurs. Il siège également au Comité Finances & Subventions de la Hurlingham Polo Association et est Ambassadeur de la Fédération Internationale de Polo.
Il était donc logique qu’il accueille au Buck’s Club le lancement britannique, à la mi-saison, du dernier tome d’Horace Laffaye, L’évolution du Polo (MacFarland & Co., Etats-Unis). Dans la préface de l’œuvre, il décrit Laffaye comme quelqu’un combinant une connaissance encyclopédique du développement du Polo à une analyse perspicace des aléas du jeu moderne.
Dans le chapitre final de son livre, Laffaye retourne le compliment en rendant hommage aux efforts de A Brassard pour rétablir en Angleterre le polo high-goal entre des équipes équilibrées composées de joueurs de haut-niveau.
A Brassard explique : «La Hurlingham Polo Association (HPA) m’a chargé de rédiger un rapport sur les perspectives de diffusion du polo à la télévision, y compris sur les implications financières. J’ai interrogé les joueurs, clubs, sociétés de production TV, les chaînes de télévision, les sociétés de relations publiques. Bref, tout ceux qui pouvaient y voir un intérêt. Suite à cela, j’en ai conclu que le système de patronage dans le polo était inadapté à la télévision. Tout le monde souhaite voir de l’authentique polo à quatre contre quatre. J’ai donc créé quelque chose appelé les Championnats Britanniques de Polo, un tournoi de 22-40 goals avec des équipes composées de joueurs de niveau homogène, qui fonctionnait avec des sponsors privés.
« Au début ce fut un grand succès. Ce tournoi a incité de nouveaux sponsors et supporters à s’intéresser au polo et a été diffusé par la BBC, Sky et Eurosport, avec en Europe une audience télévisée estimée à 2.250.000 téléspectateurs — probablement la meilleure audience télévisée pour du polo. Les joueurs et les spectateurs ont adoré. C’est un jeu très différent quand vous regardez jouer des équipes comportant quatre joueurs de niveau équivalent. En 2005, nous avons généré plus de £1.000.000 en « valeur médiatique » pour l’événement au cours duquel se sont affrontés des joueurs anglais, argentins, chiliens, australiens, nigériens et néo-zélandais.
» Deux ans plus tard, le tournoi sombre par manque d’investissement des sponsors. A Brassard est atteint mais n’a pas dit son dernier mot. « Il n’a jamais été dans mes plans de défier les tournois high-goals anglais existants. Qui suis-je pour leur dire ce qu’il faut faire ? Je crois qu’il ya une place pour le patronage dans le polo. Tout ce que je voulais c’était proposer une alternative. »
A côté de cela, pour les amateurs low-goal comme lui, il a conçu quelque chose de tout aussi atypique: « Quand je suis revenu au polo anglais après avoir travaillé à New York [de 1999 à 2001], j’ai été frappé par la façon dont le polo low-goal avait changé. Il était devenu plus compétitif, plus professionnel et moins amusant. Autrefois, après un match, nous serions tous allés au bar du club house, nous aurions parlé du match et de la façon dont nous avions marqué tel but ou manqué tel autre. Aujourd’hui, il y a tant de joueurs professionnels en polo low-goal, qu’ils partent à la minute où le match est fini car ils ont d’autres tournois à jouer. »
« J’ai donc créé ce que j’appelle le Country House Polo, des matchs joués sur des terrains privés le week-end. Les équipes sont généralement composées de trois amateurs et d’un professionnel de handicap 3 ou 4, invité à condition qu’il ne monopolise pas la balle ni ne tente de marquer tous les goals, de sorte que la balle circule et donne sa chance à chacun.
« Nous sommes très chanceux, dans un rayon de 50 km autour de Cirencester, il y a de nombreuses personnes possédant des terrains privés qui sont disposées à accueillir ce genre de polo. L’hôte invite les épouses, les maris et les familles de joueurs à déjeuner après le match, de sorte que ce n’est plus seulement une partie de polo, mais un véritable événement social.
« En règle générale environ 100 personnes jouent au Country House polo chaque week-end de la saison. Ils jouent pour le plaisir ou alors ont été éliminés de tournois et veulent jouer à un niveau compétitif mais dans un esprit traditionnel. Je ne prétends pas que Country House Polo convienne à tous – ce serait ridicule – mais il offre une autre possibilité.
« Inspiré pendant sa période à New York par ce qu’il avait lu sur l’histoire du polo aux États-Unis, il a débuté des recherches sur les joueurs et les clubs liés aux affrontements épiques de la Westchester Cup, conçue en 1886 comme une série de test-matchs entre l’Angleterre et les États-Unis. Deux joueurs des États-Unis en particulier ont retenu son attention : Harry Payne Whitney, qui a dirigé les équipes des Etats-Unis victorieuses de la Cup en 1909, 1911 et 1913, ainsi que Tommy Hitchcock Jnr., sans doute le plus grand joueur américain de l’Histoire.
Pour le précédent livre d’Horace Laffaye, Portraits de Polo : Les joueurs qui ont changé le jeu (McFarland & Co., 2008), il a écrit des chapitres sur les deux joueurs, et d’autres sur le Prince Charles et l’américano-mexicain Memo Gracida.
Son premier essai à la publication fut un mince tome auto-publié portant un titre à rallonge, Une Glorieuse Victoire, une Glorieuse Défaite: Le Buck’s Club et les Matchs Internationaux de Polo de 1921. Lancé (il va sans dire) au Buck’s Club en 2001, il propose des copies à des amis tout en leur décrivant des organismes de bienfaisance auxquels ils peuvent donner de l’argent s’ils le souhaitent.
Il rappelle que la Westchester Cup de 1921, organisée par le Hurlingham Club de Londres devant une foule de 10.000 personnes a été, avec la cuisante défaite de l’Angleterre, un tournant dans polo international et cite le magazine londonien Sports & Sportsman: « A la fin de 1918, émergea une Angleterre où la Grande Faucheuse avait prélevé sans pitié la fine fleur des sportifs anglais. »
« C’était une métaphore pour décrire le début du déclin de la Grande-Bretagne en tant que puissance mondiale », poursuit-il. « Le meilleur du polo anglais, tiré de ses régiments de cavalerie, n’était pas de taille à lutter face aux rejetons des dynasties américaines de polo. Tout comme ne l’était pas non plus le style anglais, avec son attachement au délicat travail de maillet, face au style d’attaque à la fois rapide et ouvert du jeu américain. »
La Westchester Cup de 1921 présenta à l’Angleterre Tommy Hitchcock Jnr, un héros de guerre de 21 ans, diplômé d’Oxford, membre du Buck’s Club et futur vainqueur dans les quatre premiers triomphes sur l’Angleterre dans la Westchester Cup dans les vingt années à suivre. En 1922, Hitchcock, 22 ans, a été élevé à un handicap de 10 goals, et devient ainsi le plus jeune à avoir jamais été sacré 10-goals, un record incontesté jusqu’à l’arrivée d’Adolfo Cambiaso et de Facundo Pieres quelques quatre-vingts ans plus tard.
A Brassard a découvert Hitchcock alors qu’il effectuait des recherches sur l’histoire du Buck’s Club, incitant la sortie d’un deuxième volume, Hitchcock: A Tribute, publié en 2003 : une anthologie d’hommages à « Ten-Goal Tommy », comprenant les propres instructions (succinctement rédigées) d’Hitchcock sur les règles et les tactiques, instructions livrées à l’équipe de polo des États-Unis de 1930.
La vie d’Hitchcock, de son héroïsme durant la Première Guerre mondiale en tant que pilote de chasse alors qu’il n’avait pas vingt ans, ses prouesses athlétiques et sa force de caractère, à sa mort en tant que pilote d’essais durant la Seconde Guerre mondiale, est faite d’une étoffe légendaire. Elle inspira A Brassard pour l’écriture d’un film qu’il a depuis présenté à des producteurs, jusqu’à présent sans succès. Conscients de l’enthousiasme qu’il apporte à tout ce qu’il tente, nous pouvons nous attendre à ce qu’il se montre persistant.
Nous remercions Thomas P.G. pour sa traduction.
Ecrit par Chris Ashton, correspondant pour Polo Players’ Edition.